Pendant l’entracte, le hasard me mit en face d’un des collaborateurs de Grock, dont j’avais opéré la femme : “Venez, me dit-il, je vous présenterai au grand clown”.
Ce dernier était déjà grimé, prêt à faire son numéro. “Je ne connais pas votre faciès naturel, lui dis-je, mais je vous félicite de l’action sociale que vous exercez en amusant les enfants et les adultes.” “Mon rôle est bien difficile, me répondit-il ; depuis 2 ans, je regarde la physionomie de la foule ; une grande partie des spectateurs que je viens amuser, conserve l’air figé ; il me faut quelquefois 20 minutes, une demi-heure, pour les dégeler et provoquer chez eux le sourire. Si cela continue, où irons-nous ? Pas un Français ne sera capable de rire...” Je quittai Grock et retournai à ma place. Je songeais alors : mes compatriotes sauront tous rire quand l’atmosphère économique et sociale sera gaie ; il serait intéressant de leur montrer qu’il est possible d’être heureux et de bonne humeur quand l’atmosphère nationale est nuageuse. Il faut s’entraîner à l’optimisme et à la bonne humeur comme les acrobates s’exercent à jongler, à faire des pirouettes et des grimaces. Certes, je ne conseillerai pas à celui qui souffre de douleurs violentes de paraître joyeux; ce n’est pas au sujet atteint d’une névralgie ou d’une attaque de goutte aiguë qu’il faut conseiller de rire. En principe, il faut avoir une bonne santé pour exprimer la joie de vivre. Mais si la gaîté ne s’obtient pas spontanément, et pendant les jours sombres, il faut s’éduquer pour l’obtenir ; c’est le point que je voudrais développer ici. |
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